Malgré la courte nuit,
l’excitation et la fraîcheur de cette aube réveillait le jeune novice Tibérius.
Arrivant au puit au centre de la cour, il y lança son seau, puis colla ses
mains à sa bouche et souffla pour les réchauffer. Les cernes marquées par les
offices de la nuit, il se frotta ensuite les yeux, regarda le pâle soleil qui
se levait doucement, révélant une belle journée automnale à venir, puis attrapa
la manivelle et tourna pour remonter le seau remplit de l’eau froide.
Il s’en saisit, le soupesa un
instant puis le prit solidement à deux mains et commença le trajet retour. Il
passa l’arche, s’engouffra dans l’escalier de pierre où régnait une vigoureuse
fraîcheur en toute saison, et descendit doucement, évitant de renverser son
contenu. Enfin il arriva devant la porte qui était restée entrouverte. D’un
pied il la poussa, et entra. Il s’avança vers son maître, le moine Paul Dumer,
qui s’était affublé d’un large tablier blanc maculé de sang.
Le premier blessé, un Death
Marshal, était allongé, de larges plaies sur l’abdomen, grimaçant de douleur
lorsque Paul nettoyait les blessures. Le second, un autre Death Marshal, se
tenait assis, un bras dans un épais linge couvert d’onguents de cicatrisation.
Une fois que Tibérius eut déposé l’eau propre, il prit le baquet de saleté, et repartit par là où il était arrivé.
Il devait maintenant le nettoyer,
mais comptait discrètement monter au premier étage où il savait pouvoir
espionner le Gouverneur, qui parlementait pour l’heure avec Dame Justice, la
chef du groupe qui venait d’arriver avec les blessés. Il opéra sa discrète
ascension dans les grandes ombres encore présentes ce matin, et déboucha sur la
petite lucarne qui donnait sur le bureau du Gouverneur.
Bien à l’abri, il jeta un regard,
voyant Dame Justice installé sur un fauteuil de velours pourpre, sertis de
clous dorés. Le Gouverneur, gros homme richement paré malgré l’heure matinale,
faisant les cent pas, visiblement tourmenté. Son visage grimaçait e rictus de
colère. Puis il parla, n’attendant jamais de réponses de celle connue pour ses
silences.
-
« vous
deviez trouver Seamus dans les marais, pas affronter les Neverborns. »
Il fit quelques pas nouveaux,
empressé et sifflant entre ses dents jaunies des excès de mets et de liqueurs.
-
« Je
sais, vous avez banni pour un temps l’esprit de Pandora, et cela sera crédité à
votre grande gloire. Mais l’affaire a été coûteuse ma chère. Un juge est mort,
et son âme a été dérobée par Pandora elle-même justement. Cette Neverborn
réclame les marais pour elle, et même si pour un temps nous n’entendrons plus
parlé d’elle, vous savez qu’elle reviendra tôt ou tard. »
Il s’assit lourdement sur la
chaise d’acajou, qui crissa sous le poids d’orgueil et de chairs, et attrapa sur son bureau de quoi
écrire.
-
« Je
vais demander de nouveaux Marshal également. Un mort et 2 blessés, voilà qui va
nous retarder dans notre traque de Seamus. J’espère que rapidement un autre
juge viendra. Vous êtes forte et habile, Dame Justice, mais vous ne pouvez vous
battre seule. Et Candy, la second de Pandora, a pu fuir. Elle rôde, et vous
savez ce que cela signifie. »
C’est alors qu’elle rompit le
silence. Telle la lame acérée de la justice qu’elle maniait si bien, elle coupa
son interlocuteur de sa voix cinglante. Le jeune novice écarquilla les yeux, apeuré
et excité.
-
« nous
cherchions Seamus. Nous étions répartis comme il se doit pour cette traque.
Mais ce sont les Neverborns qui nous ont surpris, attaquant d’un côté de ma
troupe. Sans le sacrifice du Juge nous aurions été vaincus. Il a mis en échec
les Chagrins, ces esprits qui sucent l’âme des hommes, puis a retenu Pandora le
temps que j’arrive. Il a succombé à l’instant où j’intervenais. Il a sauvé le
reste de la troupe, et a distrait suffisamment longtemps Pandora pour que je la
détruise. Alors seulement les autres Neverborns se sont terrés. Et si je
n’avais pas dû ramener les blessés, je serai là-bas à les traquer à leur tour.
Je dois accomplir la justice. Donnez moi les hommes nécessaires, et laissez moi
œuvrer. »
Tibérius se sentit basculer en
arrière, tiré par une poigne puissante. Surpris, le souffle coupé, il n’eut pas
le temps de réagir lorsque le coup de bâton de son maître s’abattit sur son
ventre.
-
« Petit
curieux, j’ai besoin de toi, et je te retrouve ici à espionner. Va donc
chercher un autre seau, ces conversations ne sont pas pour toi ! »
Se relevant rapidement, Tibérius
dévala l’escalier, manquant de glisser sur les marches humides. Paul Dumer
réajusta son aube, vérifia qu’il ne se trouvait personne dans les lieux, puis
déposa un petit insecte de métal sur la lucarne.
-
« va
espionner toi-aussi mon petit ami, le maître des machines a besoin de
toi. »
Paul eut un
sourire amer dans les ténèbres, puis redescendit, espérant ne jamais être
découvert et pouvoir payer sa dette au maître des machines.
Encore bien sympathique. Manque plus que quelques photos pour agrémenter le tout ;)
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