mercredi 30 janvier 2019

Rapport Malifaux


Malgré la courte nuit, l’excitation et la fraîcheur de cette aube réveillait le jeune novice Tibérius. Arrivant au puit au centre de la cour, il y lança son seau, puis colla ses mains à sa bouche et souffla pour les réchauffer. Les cernes marquées par les offices de la nuit, il se frotta ensuite les yeux, regarda le pâle soleil qui se levait doucement, révélant une belle journée automnale à venir, puis attrapa la manivelle et tourna pour remonter le seau remplit de l’eau froide.

Il s’en saisit, le soupesa un instant puis le prit solidement à deux mains et commença le trajet retour. Il passa l’arche, s’engouffra dans l’escalier de pierre où régnait une vigoureuse fraîcheur en toute saison, et descendit doucement, évitant de renverser son contenu. Enfin il arriva devant la porte qui était restée entrouverte. D’un pied il la poussa, et entra. Il s’avança vers son maître, le moine Paul Dumer, qui s’était affublé d’un large tablier blanc maculé de sang. 

Le premier blessé, un Death Marshal, était allongé, de larges plaies sur l’abdomen, grimaçant de douleur lorsque Paul nettoyait les blessures. Le second, un autre Death Marshal, se tenait assis, un bras dans un épais linge couvert d’onguents de cicatrisation. Une fois que Tibérius eut déposé l’eau propre, il prit le baquet de saleté, et  repartit par là où il était arrivé. 

Il devait maintenant le nettoyer, mais comptait discrètement monter au premier étage où il savait pouvoir espionner le Gouverneur, qui parlementait pour l’heure avec Dame Justice, la chef du groupe qui venait d’arriver avec les blessés. Il opéra sa discrète ascension dans les grandes ombres encore présentes ce matin, et déboucha sur la petite lucarne qui donnait sur le bureau du Gouverneur. 

Bien à l’abri, il jeta un regard, voyant Dame Justice installé sur un fauteuil de velours pourpre, sertis de clous dorés. Le Gouverneur, gros homme richement paré malgré l’heure matinale, faisant les cent pas, visiblement tourmenté. Son visage grimaçait e rictus de colère. Puis il parla, n’attendant jamais de réponses de celle connue pour ses silences.

-          « vous deviez trouver Seamus dans les marais, pas affronter les Neverborns. »

Il fit quelques pas nouveaux, empressé et sifflant entre ses dents jaunies des excès de mets et de liqueurs.

-          «  Je sais, vous avez banni pour un temps l’esprit de Pandora, et cela sera crédité à votre grande gloire. Mais l’affaire a été coûteuse ma chère. Un juge est mort, et son âme a été dérobée par Pandora elle-même justement. Cette Neverborn réclame les marais pour elle, et même si pour un temps nous n’entendrons plus parlé d’elle, vous savez qu’elle reviendra tôt ou tard. »

Il s’assit lourdement sur la chaise d’acajou, qui crissa sous le poids d’orgueil et  de chairs, et attrapa sur son bureau de quoi écrire.

-          « Je vais demander de nouveaux Marshal également. Un mort et 2 blessés, voilà qui va nous retarder dans notre traque de Seamus. J’espère que rapidement un autre juge viendra. Vous êtes forte et habile, Dame Justice, mais vous ne pouvez vous battre seule. Et Candy, la second de Pandora, a pu fuir. Elle rôde, et vous savez ce que cela signifie. »

C’est alors qu’elle rompit le silence. Telle la lame acérée de la justice qu’elle maniait si bien, elle coupa son interlocuteur de sa voix cinglante. Le jeune novice écarquilla les yeux, apeuré et excité.

-          «  nous cherchions Seamus. Nous étions répartis comme il se doit pour cette traque. Mais ce sont les Neverborns qui nous ont surpris, attaquant d’un côté de ma troupe. Sans le sacrifice du Juge nous aurions été vaincus. Il a mis en échec les Chagrins, ces esprits qui sucent l’âme des hommes, puis a retenu Pandora le temps que j’arrive. Il a succombé à l’instant où j’intervenais. Il a sauvé le reste de la troupe, et a distrait suffisamment longtemps Pandora pour que je la détruise. Alors seulement les autres Neverborns se sont terrés. Et si je n’avais pas dû ramener les blessés, je serai là-bas à les traquer à leur tour. Je dois accomplir la justice. Donnez moi les hommes nécessaires, et laissez moi œuvrer. »

Tibérius se sentit basculer en arrière, tiré par une poigne puissante. Surpris, le souffle coupé, il n’eut pas le temps de réagir lorsque le coup de bâton de son maître s’abattit sur son ventre.

-          «  Petit curieux, j’ai besoin de toi, et je te retrouve ici à espionner. Va donc chercher un autre seau, ces conversations ne sont pas pour toi ! »

Se relevant rapidement, Tibérius dévala l’escalier, manquant de glisser sur les marches humides. Paul Dumer réajusta son aube, vérifia qu’il ne se trouvait personne dans les lieux, puis déposa un petit insecte de métal sur la lucarne.

-          « va espionner toi-aussi mon petit ami, le maître des machines a besoin de toi. »

Paul eut un sourire amer dans les ténèbres, puis redescendit, espérant ne jamais être découvert et pouvoir payer sa dette au maître des machines.

1 commentaire:

  1. Encore bien sympathique. Manque plus que quelques photos pour agrémenter le tout ;)

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